Depuis près de vingts ans Strasbourg
se distingue pour la préservation du dynamisme économique de son
centre ancien. La Grande Ile est une entitée patrimoniale unique,
mais aussi une réussite urbaine exemplaire. Un centre-ville médiéval
qui concentre emplois et activités dans une grande harmonie
architecturale, paysagère et de mobilité. Un centre-ville médiéval
qui n'a pas connu l'asphyxie. Et c'est par un choix étonnant pour
l'époque, qui surprendrait encore dans bien des villes : la
majeure partie de la voie publique aux piétons et aux cyclistes, structurée par un
efficace réseau de tramway. Des voies pénétrantes sont préservées
pour la desserte automobile. C'est une réussite totale. Et c'était
un pari fou. Mais tellement sage pour la santé de notre ville.
Humanisation de la ville
Aujourd'hui, l'agencement du
centre-ville tel que nous le connaissons semble totalement
logique. Qui se souvient de la Place Kléber comme du giratoire
majeur du centre-ville, où se côtoyaient chaque jour 45 000
véhicules ? On annonçait la mort du centre-ville : la
disparition des voitures en centre-ville c'est la fin des commerces,
des emplois, des restaurants, etc... Force est de constater qu'on a
pas besoin de la voiture partout, et que le développement de
certains secteurs urbains, particulièrement les centres anciens
denses, passe par une « humanisation » des espaces, au
détriment de l'automobile. A condition de créer une interface qui permet d'accéder au centre-ville en passant aisément de la voiture à un autre moyen de transport, dit "doux". Aisément implique facilité et rapidité.
Le chemin parcouru a été concluant,
tout le monde s'accorde pour dire que la Grande-Ile fait partie de
ces centres urbains où il fait très bon vivre. Un centre-ville
humain, convivial, sans voitures, mais complètement vivant et
attractif, car accessible ! Cependant, Strasbourg (comme la plaine du Rhin Supérieur), par sa situation géographique et
climatique particulière, reste polluée. Strasbourg est la seconde ville la plus polluée en
France après Marseille. On peut être fier du travail accompli
jusqu'à aujourd'hui, mais ce qui est évident, c'est qu'il faut
prolonger cette logique. Et on franchit progressivement les échelons,
sans chasser entièrement la voiture, ce qui serait une erreur.
Ainsi, la place du Château, la place Saint Thomas et le Secteur
Saint Étienne vont passer de lieux de transit à lieux de vie. La
Place du Château, dévalorisée par la voiture jusqu'en 2010,
deviendra c'est certain, une des places les plus prestigieuses,
emblématiques et fréquentées de la ville. Ce qui n'a jusqu'à
aujourd'hui jamais été le cas. C'était un vide résiduel. Bientôt elle fera partie des lieux incontournables.
En vue de l'aménagement de la totalité
de l'hyper-centre, en tentant de tendre vers un milieu urbain « 0 CO2 », on pense à
un axe oublié par cette logique. Il existe en effet un endroit en
plein cœur de la ville où piétons et cyclistes n'ont rien pour
eux. Il est dangereux pour les non-automobilistes d'y circuler. On
peut vraiment en dire que les usagers s'y bousculent. Il s'agit bien
sûr des quais Finkwiller, Saint Nicolas et des Bateliers. C'est un
exemple de mauvais partage de la voie publique. Il n'est pas forcément utile de piétonniser entièrement cet espace, mais de le repenser, à la manière des zones de rencontres: priorité aux piétons et aux cyclistes.
Un aménagement qui définit les traits de la ville du XXIe siècle: la ville à vivre et non plus pour vivre
Ce projet me tient à cœur depuis des années et il est temps d'introduire le débat ! Qu'est ce que la voiture, en ces proportions, fait encore en
plein cœur du secteur sauvegardé (alors que pour desservir le
centre-ville en voiture, il y a déjà des voies pénétrantes, et
sachant qu'il est possible de créer un itinéraire de déviation) ? Ne peut-on pas envisager une ligne de Bus à
Haut Niveau de Service reliant les Tram BF, AD et CEF de la
station Musée d'Art Moderne à Gallia ? A t-on pleinement conscience
que ces quais présentent un point de vue remarquable sur le paysage
urbain de la Grande Ile dominée par Notre Dame ? Si les Champs
Élisée forment l'axe monumentale de prestige de Paris, ces quais
forment la voie monumentale de prestige de Strasbourg ! Va t-on
enfin penser aux piétons et aux cyclistes sur cette voie ? Ne
serait-il pas envisageable de profiter de l'eau en l'intégrant
pleinement à la ville, en valorisant la vue sur le vieux Strasbourg
et en créant un nouveau lieu de vie urbain ? La ville tourne
toujours le dos à sa rivière alors qu'il faut créer un dialogue :
pontons, gradins, lieux pour se prélasser, … Cette voie est
complètement négligée. Le long des façades, on peut aisément
imaginer que de belles terrasses débordent sur la voie, pour
l'animer. Aujourd'hui les étroits trottoirs ne permettent pas cette
vie. Allons plus loin : des aires de jeux, des fontaines, des
sculptures. Strasbourg ne voulait elle pas mettre au point un chemin
des droits de l'Homme rythmée par les Statues de grands hommes et
femmes ? Le pauvre Gandhi se trouve bien isolé place de
l'Etoile... Ce chemin si on le prolonge, mène d'ailleurs vers les
institutions européennes.
On peut évoquer la remarquable
transformation des quais de la Garonne à Bordeaux, qui sont à une
tout autre échelle, mais qui offrent un lieu de vie harmonieux, où
les terrasses et les gradins vers l'eau permettent de s'arrêter,
contempler, se retrouver. On peut imaginer un parcours ponctués
d’œuvres d'arts, plus de végétation, des pontons au bord de
l'eau... Une promenade urbaine mettant en scène la ville, où on ne
fait pas que passer mais où on vit et où les déplacements sont
garantis et structurés par des bus silencieux !
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