lundi 10 juin 2013

Ancienne Douane, lieu central, emblématique, stratégique... en voie de gaspillage

L'enseigne explicite sur la fonction originelle des lieux. Source: image google
Les différents camps politiques strasbourgeois se disputent depuis des mois au sujet de cet édifice du XIVe siècle, reconstruit après les bombardements de la seconde guerre mondiale.

Un grand bâtiment largement inexploité

Le bâtiment contient une grande brasserie et une crèche dans sa partie occidentale. Avant la construction du MAMCS plus en amont dans les années 90, l'ancienne douane abritait également le musée d'art moderne et contemporain de la ville.

Aujourd'hui la majeure partie de ce vaisseau est inoccupée. C'est un lieu qui caractérise l'image médiévale de Strasbourg, surplombant l'Ill. Un lieu très bien situé mais largement vide.

Un marché couvert ou un lieu de culture ?

Est née l'ambition d'en faire un point de vente en circuit court, en collaboration avec des producteurs agricoles jouxtant l'agglomération. Une sorte de marché couvert, avec des producteurs présélectionnés,  car le nombre de places est limité.

D'autres défendent un projet à vocation plus culturelle, pour mettre à profit cette situation de "porte de la Grande-Ile". Il faut rappeler que la fonction détermine la forme. Cet édifice a été conçu pour stocker des marchandises au Moyen-Age. Des marchandises venant de l'hinterland alsacien, à destination du nord de l'Europe, sur le Rhin. Ou des marchandises faisant le chemin inverse. Quoi qu'il en soit, c'était un lieu de marché, d'échange, de commerce. Rien dans la morphologie de ce bâtiment n'est pensé pour être un lieu muséal. MCe n'est pas pour autant que cela empêche une nouvelle vie de nature différente, le vieux port prussien de Strasbourg plus au sud en est l'image. C'est juste que l'installation d'un marché couvert semble plus naturelle car fonctionnellement adapté aux lieux.

Et pourquoi pas les deux ?

On tente aujourd'hui d'opposer les deux projets, comme deux visions politiques qu'il ne faudrait surtout pas concilier au risque que l'électeur s'y perde. On les oppose alors qu'avec un peu de bonne volonté, et en considérant les énormes espaces vides de l'ancienne douane, on pourrait peut être réaliser les deux. Aujourd'hui c'est le marché en circuit court qui a remporté la manche. Pourtant, il n'occupera pas tout l'espace, l'étage sera toujours complètement vide. Le maire évoque l'étage comme un espace qui pourrait accueillir de nouveaux restaurants... plus tard...
Des restaurants. N'y a t-il pas encore assez de restaurants ou d'espaces qui sont plus propices à la restauration, dans le secteur de la Grande Ile ? On a la vague impression que le maire s'obstine à ignorer chaque proposition de l'opposition juste parce que c'est une idée de l'opposition. Si encore l'idée d'y installer des restaurants était pertinente...

Si c'est vrai que l'ancienne douane n'a formellement rien d'un musée, sa position en tête de proue peut en revanche être profitable et un aménagement astucieux peut faire exister un vrai lieu culturel en ces murs. Un lieu culturel polyvalent, catalyseur des activités et productions artistiques de l'agglomération. Un lieu d'expositions sur de grands thèmes, pourquoi pas l'Europe ? Un lieu modernisé à l'image du Musée Historique ou des Haras Nationaux, qui pourrait, pour illustrer ces propos, accueillir par exemple un grand défilé de mode, une exposition sur les cultures de l'Europe, des réunions de concertations, des meetings, ou un grand gala de chefs d’États !
Le grand volume disponible sous la toiture de l'ancienne douane, complètement inexploité ! Source: sarkis.fr

Une antenne au centre-ville pour les incentives ?

 Un lieu de prestige dans lequel on pourrait aussi trouver des salles de séminaires pour les incentives, à deux pas de la cathédrale. Le nouveau PMC ne doit pas constituer la seule offre de salles de séminaires. L'ancienne douane pourrait être une antenne de ce PMC au centre-ville. Car dans ce secteur, il faut compter sur les hôtels et restaurants pour disposer de ce type de service, alors que la ville devrait être en mesure d'en proposer aussi ! Un usage pour les organismes privés, mais dont la ville peut disposer aussi pour ses réunions publiques. L'Aubette place Kleber, avec le récent don de la regrettée galeriste parisienne Denise Renée, pourrait devenir un espace à vocation exclusivement culturelle.
Le musée historique de Strasbourg et sa scénographie attrayante. Source: image google
La reconversion des haras nationaux en biocluster. Source: latribune.fr
Plus proche de la vie de la ville au quotidien, le rez-de-chaussée serait alors aménagé en marché couvert. Un marché couvert plus vaste que celui prévu, moins sélectif, et qui pourrait déborder sur l'extérieur les jours de grands marchés. En décembre la place Kleber ne serait donc plus un immense fourre-tout où se côtoient difficilement marché, marché de Noël et parvis du grand sapin.
Le nouveau marché couvert de Colmar, un modèle en terme d'agencement. Les opérateurs touristiques y font même passer leurs groupes !
Quant à l'actuelle Brasserie, elle pourrait trouver à l'étage la même surface qu'au rez-de-chaussée, avec plus de hauteur en valorisant le volume présent sous les combles. Seul bémol, la terrasse qui se trouve au niveau du rez-de-chaussée. La brasserie devrait donc conserver une certaine emprise réduite à ce niveau pour pouvoir l'utiliser. Une emprise qui pourrait devenir le bistrot convivial du marché, au centre de celui-ci.

On se refuse à étudier le potentiel véritable de ce lieu en bataillant comme des gaulois. On se refuse de repenser l’édifice et son volume dans sa totalité, on se refuse le courage et l'ambition et on gaspille un lieu de plus dans la précipitation. On oublie surtout que cet édifice pourrait redevenir un lieu de vie central !

  • En vert et au rez-de-chaussée, le marché couvert.
  • En violet les parties supérieures orientales destinées aux expositions culturelles temporaires, aux événements artistiques, et à une ou deux salles de réunions équipées.
  • En orange, la grande brasserie.
  • En jaune, l'actuelle crèche. 
Autres vues de l'aménagement possible:




mercredi 5 juin 2013

Réaménagement des berges de l'Ill, couronnement d'un centre-ville humain, oxygéné et attractif


Depuis près de vingts ans Strasbourg se distingue pour la préservation du dynamisme économique de son centre ancien. La Grande Ile est une entitée patrimoniale unique, mais aussi une réussite urbaine exemplaire. Un centre-ville médiéval qui concentre emplois et activités dans une grande harmonie architecturale, paysagère et de mobilité. Un centre-ville médiéval qui n'a pas connu l'asphyxie. Et c'est par un choix étonnant pour l'époque, qui surprendrait encore dans bien des villes : la majeure partie de la voie publique aux piétons et aux cyclistes, structurée par un efficace réseau de tramway. Des voies pénétrantes sont préservées pour la desserte automobile. C'est une réussite totale. Et c'était un pari fou. Mais tellement sage pour la santé de notre ville.

Humanisation de la ville

Aujourd'hui, l'agencement du centre-ville tel que nous le connaissons semble totalement logique. Qui se souvient de la Place Kléber comme du giratoire majeur du centre-ville, où se côtoyaient chaque jour 45 000 véhicules ? On annonçait la mort du centre-ville : la disparition des voitures en centre-ville c'est la fin des commerces, des emplois, des restaurants, etc... Force est de constater qu'on a pas besoin de la voiture partout, et que le développement de certains secteurs urbains, particulièrement les centres anciens denses, passe par une « humanisation » des espaces, au détriment de l'automobile. A condition de créer une interface qui permet d'accéder au centre-ville en passant aisément de la voiture à un autre moyen de transport, dit "doux". Aisément implique facilité et rapidité.

Le chemin parcouru a été concluant, tout le monde s'accorde pour dire que la Grande-Ile fait partie de ces centres urbains où il fait très bon vivre. Un centre-ville humain, convivial, sans voitures, mais complètement vivant et attractif, car accessible ! Cependant, Strasbourg (comme la plaine du Rhin Supérieur), par sa situation géographique et climatique particulière, reste polluée. Strasbourg est la seconde ville la plus polluée en France après Marseille. On peut être fier du travail accompli jusqu'à aujourd'hui, mais ce qui est évident, c'est qu'il faut prolonger cette logique. Et on franchit progressivement les échelons, sans chasser entièrement la voiture, ce qui serait une erreur. Ainsi, la place du Château, la place Saint Thomas et le Secteur Saint Étienne vont passer de lieux de transit à lieux de vie. La Place du Château, dévalorisée par la voiture jusqu'en 2010, deviendra c'est certain, une des places les plus prestigieuses, emblématiques et fréquentées de la ville. Ce qui n'a jusqu'à aujourd'hui jamais été le cas. C'était un vide résiduel. Bientôt elle fera partie des lieux incontournables.



En vue de l'aménagement de la totalité de l'hyper-centre, en tentant de tendre vers un milieu urbain « 0 CO2 », on pense à un axe oublié par cette logique. Il existe en effet un endroit en plein cœur de la ville où piétons et cyclistes n'ont rien pour eux. Il est dangereux pour les non-automobilistes d'y circuler. On peut vraiment en dire que les usagers s'y bousculent. Il s'agit bien sûr des quais Finkwiller, Saint Nicolas et des Bateliers. C'est un exemple de mauvais partage de la voie publique. Il n'est pas forcément utile de piétonniser entièrement cet espace, mais de le repenser, à la manière des zones de rencontres: priorité aux piétons et aux cyclistes.

Un aménagement qui définit les traits de la ville du XXIe siècle: la ville à vivre et non plus pour vivre

Ce projet me tient à cœur depuis des années et il est temps d'introduire le débat ! Qu'est ce que la voiture, en ces proportions, fait encore en plein cœur du secteur sauvegardé (alors que pour desservir le centre-ville en voiture, il y a déjà des voies pénétrantes, et sachant qu'il est possible de créer un itinéraire de déviation) ? Ne peut-on pas envisager une ligne de Bus à Haut Niveau de Service reliant les Tram BF, AD et CEF de la station Musée d'Art Moderne à Gallia ? A t-on pleinement conscience que ces quais présentent un point de vue remarquable sur le paysage urbain de la Grande Ile dominée par Notre Dame ? Si les Champs Élisée forment l'axe monumentale de prestige de Paris, ces quais forment la voie monumentale de prestige de Strasbourg ! Va t-on enfin penser aux piétons et aux cyclistes sur cette voie ? Ne serait-il pas envisageable de profiter de l'eau en l'intégrant pleinement à la ville, en valorisant la vue sur le vieux Strasbourg et en créant un nouveau lieu de vie urbain ? La ville tourne toujours le dos à sa rivière alors qu'il faut créer un dialogue : pontons, gradins, lieux pour se prélasser, … Cette voie est complètement négligée. Le long des façades, on peut aisément imaginer que de belles terrasses débordent sur la voie, pour l'animer. Aujourd'hui les étroits trottoirs ne permettent pas cette vie. Allons plus loin : des aires de jeux, des fontaines, des sculptures. Strasbourg ne voulait elle pas mettre au point un chemin des droits de l'Homme rythmée par les Statues de grands hommes et femmes ? Le pauvre Gandhi se trouve bien isolé place de l'Etoile... Ce chemin si on le prolonge, mène d'ailleurs vers les institutions européennes.

On peut évoquer la remarquable transformation des quais de la Garonne à Bordeaux, qui sont à une tout autre échelle, mais qui offrent un lieu de vie harmonieux, où les terrasses et les gradins vers l'eau permettent de s'arrêter, contempler, se retrouver. On peut imaginer un parcours ponctués d’œuvres d'arts, plus de végétation, des pontons au bord de l'eau... Une promenade urbaine mettant en scène la ville, où on ne fait pas que passer mais où on vit et où les déplacements sont garantis et structurés par des bus silencieux !